Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/65

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sortait guère que pour aller le dimanche à la messe et aux vêpres avec ses parents. Hein ? ce n’était pas encourageant, tout cela !… Je commençais à me repentir de n’avoir pas un peu plus vécu avec ces deux bonnes gens que j’avais traités sans hauteur, mais avec la politesse détachée et parfois distraite qu’on a pour ceux qui ne sont que d’un intérêt très secondaire dans la vie ; mais je me dis que je ne pouvais modifier mes relations avec eux, sans m’exposer à leur révéler ou à leur faire soupçonner ce que je voulais leur cacher… Je n’avais, pour parler secrètement à Mlle Alberte, que les rencontres sur l’escalier quand je montais à ma chambre ou que j’en descendais ; mais, sur l’escalier, on pouvait nous voir et nous entendre… La seule ressource à ma portée, dans cette maison si bien réglée et si étroite, où tout le monde se touchait du coude, était d’écrire ; et puisque la main de cette fille hardie savait si bien chercher la mienne par-dessous la table, cette main ne ferait sans doute pas beaucoup de cérémonies pour prendre le billet que je lui donnerais, et je l’écrivis. Ce fut le billet de la circonstance, le billet suppliant, impérieux et enivré, d’un homme qui a déjà bu une première gorgée de bonheur et qui en demande une seconde… Seulement, pour le remettre, il fallait attendre le dîner du lende-