Page:Barbey d'Aurevilly-Les diaboliques (Les six premières)-ed Lemerre-1883.djvu/80

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autre bruit, qui aurait été plus inquiétant et plus terrible, ne répondait pas à celui-là… Je crus la voir chanceler… Je m’élançai, et je l’eus bientôt dans les bras. »

— Mais elle va bien, votre Alberte ! — dis-je au capitaine.

— Vous croyez peut-être, — reprit-il, comme s’il n’avait pas entendu ma moqueuse observation, — qu’elle y tomba, dans mes bras, d’effroi, de passion, de tête perdue, comme une fille poursuivie ou qu’on peut poursuivre, — qui ne sait plus ce qu’elle fait quand elle fait la dernière des folies, quand elle s’abandonne à ce démon que les femmes ont toutes — dit-on — quelque part, et qui serait le maître toujours, s’il n’y en avait pas deux autres aussi en elles, — la Lâcheté et la Honte, — pour contrarier celui-là ! Eh bien, non, ce n’était pas cela ! Si vous le croyiez, vous vous tromperiez… Elle n’avait rien de ces peurs vulgaires et osées… Ce fut bien plus elle qui me prit dans ses bras que je ne la pris dans les miens… Son premier mouvement avait été de se jeter le front contre ma poitrine, mais elle le releva et me regarda, les yeux tout grands, — des yeux immenses ! — comme pour voir si c’était bien moi qu’elle tenait ainsi dans ses bras ! Elle était horriblement pâle, et comme je ne l’avais jamais vue pâle ; mais ses traits de Princesse n’avaient pas