Page:Barbey d'Aurevilly - Le Parnasse contemporain paru dans le Nain Jaune, 1866.djvu/10

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En effet, ils ont écrit Parnasse contemporain au frontispice de leur livre qui a pour prétention d’être le livre d’or de la poésie française à ce moment du dix-neuvième siècle et non seulement ils ont oublié les plus illustres et les plus grands contemporains de cet âge, mais les contemporains sans lesquels, eux, les greffiers sans droit de ce Livre d’Or, les Inscripteurs qui n’y ont inscrit qu’eux, n’auraient jamais existé ! Ils y ont oublié, — c’est à peine croyable — Victor Hugo, leur père à tous, Victor Hugo qu’ils imitent tous ; Lamartine qui a l’honneur, le fier honneur de n’être plus populaire parmi eux, Alfred de Musset, qui l’est, lui, Alfred de Musset cette étoile d’amour charmante dont ils cherchent à refléter et à retenir la lueur épuisée sur leur dos de caméléons ; Alfred de Vigny, ce mort vivant, Auguste Barbier, ce vivant mort ; Sainte-Beuve, qui fit Joseph Delorme ; Amédée Pommier, l’infatigable qui vient d’écrire ce poème de Paris, en cinq mille vers dont nous parlions hier, et si vous y trouvez Théophile Gautier, ce contemporain des grands Oubliés qu’on n’y trouve pas, Théophile Gautier digne d’y être oublié comme eux, on se demande si c’est pour lui un honneur ou une injure ! On se demande ce qu’il a fait ou ce qu’il est devenu pour ne s’être pas arraché à une telle compagnie et à un tel hommage !… À l’exception de deux ou trois dont les noms, dans ces derniers temps, ont un peu retenti, et grâce encore à l’écho plus distinct qu’ils ont été de ces grandes voix, exilées par eux de