Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 1.djvu/18

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fait de passion, si affreux, si criminel qu’il fût, d’en tirer des effets pathétiques, d’éclairer un gouffre dans le cœur de l’homme, quand même il y aurait au fond du sang et de la fange ; enfin d’écrire du roman, c’est-à-dire de l’histoire possible quand elle n’est pas réelle, c’est-à-dire, en d’autres termes, de l’histoire humaine ?… Nulle part ! Il a tout permis, au contraire, mais sous cette réserve absolue que le roman ne serait jamais une propagande de vices ou une prédication d’erreur ; que jamais il ne se permettrait de dire que le bien est le mal et que le mal est le bien, et qu’il ne sophistiquerait point au profit de doctrines abjectes ou perverses comme les romans de Madame Sand et de Jean-Jacques Rousseau. Sous cette réserve, le Catholicisme a même permis de peindre le vice et l’erreur dans leurs faits et gestes et de les peindre ressemblants. Il ne coupe point les ailes au génie, quand génie il y a…

Il n’eût point empêché Shakespeare, si Shakespeare lui eût appartenu, d’écrire cette sublime scène qui ouvre Richard III, dans laquelle la femme désolée qui suit le cercueil de son mari, empoisonné par son frère, après avoir vomi des imprécations épouvantables contre l’assassin, finit par lui donner sa bague d’épouse et par s’abandonner à son faux et incestueux amour. C’est abominable, c’est affreux, les