Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/105

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qu’à la lande de la Haie d’Hectot, au delà de Barneville, cette bourgade normande si remarquable par la tour carrée et crénelée de son clocher. Un domestique conduisait derrière la voiture deux fringants chevaux de main, qui devaient ramener M. et madame de Marigny à Carteret.

La peine de quitter sa grand’mère, pour la première fois de sa vie, jetait un touchant reflet de mélancolie sur le visage sérieux d’Hermangarde. Cette grande personne avait, pour ce jour-là, revêtu une amazone de velours noir et placé sur ses bandeaux blonds et lisses comme de l’or en fusion coulant vers ses tempes, un chapeau de feutre à la Louis XIII, avec sa plume sombre qui, à chaque mouvement, frissonnait. On eût dit qu’elle était sculptée dans cette mise équestre et sévère qui touche au costume de l’homme, mais qui ne l’est pas. Il fallait la voir, le corsage emprisonné sous les boutons de jais de cette amazone qui prenait le ferme contour de la poitrine comme une armure noire, et dont la jupe ne pouvait cacher, dans le nombre bouffant de ses plis, ces formes opulentes qui alanguissent la démarche d’une femme d’un poids si divin. Par l’expression, l’attitude, le port, le calme répandu en elle, comme elle dépassait les femmes de ce siècle et leurs morbidezzes ! Elle avait la grave et romanesque grandeur de son nom et d’une