Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/117

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une espèce de tremblement nerveux, comme on en a parfois aux lèvres. Ce fut tout. Elle n’avait plus assez de sang pour qu’il en montât de son cœur une seule goutte à sa joue creusée, et sa pâleur était si profonde qu’elle ne pouvait plus augmenter. Hermangarde, qui avait eu pour cette malheureuse femme une si orageuse pitié, plongea sur elle des yeux avides qu’elle en retira épouvantés. Quant à M. de Marigny, il eut au cœur une de ces morsures que le mal qu’on a fait y met parfois. Il essaya de cacher son trouble, comme un homme qui avait un autre bonheur à ménager. L’écart formidable de son cheval empêcha peut-être Hermangarde de remarquer une émotion qui l’eût brisée, — car voilà l’Amour et ses transes ! Il ne permet pas à la bonté d’être trop expressive. Il dit, avec sa soupçonneuse tyrannie : « Je veux bien avoir pitié d’elle et des maux dont tu es la cause, mais je ne veux pas que tu aies trop de pitié, toi ! »

Au reste, Hermangarde se serait trompée. Son heureux époux n’avait pas d’émotion au service de madame de Mendoze. S’il était ému, c’est qu’il avait vu une autre femme dans le coupé de la comtesse. Il avait reconnu Vellini.