Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bleu de ciel, en habit blanc, poudré de rose, les cheveux épars, joli comme un cœur, et déchirant à beaux ongles les pages de son catéchisme, — faute digne du fouet et qu’on peignait alors parce qu’on la trouvait charmante, et qu’elle était bien plus la faute du siècle que de l’écolier. Elle n’a, depuis, rencontré son égale dans les étourderies humaines, que la stupidité généreuse qui fit sacrifier, en 1789, à Mathieu de Montmorency, ses descendants et ses ancêtres, et placer, par un imbécile et criminel stellionnat, ce qui ne lui appartenait pas, — ses titres de noblesse, — sur l’autel de la Patrie. Ils étaient donc là, nos deux époux, dans cette large salle, imposante de tristesse, avec ses hautes poutres et ses murs verdis. Ils y étaient, sous l’œil fixe de ces sombres portraits, moins sombres qu’eux. Qui les eût vus ainsi, — séparés par la table ronde, — préoccupés, sérieux et mornes ; l’une buvant son thé d’une lèvre inerte, l’autre engloutissant la flamme du rhum d’une lèvre fébrile, aurait bien aisément compris que leur lune de miel était finie. Les domestiques s’étaient retirés, leur service achevé, sur un signe de leurs maîtres. Des deux fenêtres de la salle, on pouvait prolonger son regard sur la neige qui couvrait les dunes, et dont les flocons obstinés pleuvaient dans la mer, où ils disparaissaient fondus. Cette mer,