Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/210

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sincèrement, saintement aimée. Jamais, depuis ton premier regard jusqu’à cette heure, je n’ai cessé de t’adorer. Si j’ai souvent regretté les jours passés avant de te connaître, si j’ai jamais souffert d’avoir été dans la vie une seule minute sans t’aimer et sans vivre de toi au fond de mon cœur, que les ombres du passé sans toi ne t’atteignent pas, ma bien-aimée, quand tu les vois projetées sur mon front et pesant sur ce cœur à toi ; car, vois-tu ? parfois elles y pèsent ! »

Il était vrai en lui tenant ce langage. N’était-ce pas contre le rêve du passé que se débattait la réalité de son bonheur ?… Seulement, quand il en parlait ainsi à sa femme, ce n’était pas à madame de Mendoze qu’il pensait, mais à Vellini.

Et comment n’y eût-il pas pensé alors ? Elle venait de lui écrire et sa lettre était sur son cœur. C’était cette lettre que le pêcheur Capelin avait apportée et que le domestique venait de lui remettre, il n’y avait qu’un instant. La nouvelle soudaine de la mort de madame de Mendoze avait empêché Hermangarde de remarquer ce détail. Mais lui, aucune émotion n’était assez forte pour l’empêcher de reconnaître ces caractères jetés sur le papier par la Malagaise, et qui ressemblaient aux zigzags d’un éclair fixé. Ni sentiment, ni événement n’auraient pu l’empêcher de distinguer dans les plis de cette