Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bord de la mer italienne, quand celle qui l’eut de toi, délaissée par toi, se tord d’angoisse, aux âpres bords d’une autre mer ! Ryno, tu n’es pas encore père par Hermangarde. Tu l’as été par Vellini. C’est au nom de ce dernier avantage que j’ai sur elle, et qui va passer comme tous les autres, que je te demande de venir ! »

Telle était cette lettre bizarre, digne de l’être qui l’avait écrite. Çà et là, elle était semée sur les marges d’emblèmes de passion tourmentée, d’hiéroglyphes de fidélité fauve et voluptueuse, comme les prisonniers, dépravés par l’ennui et la solitude, en tracent parfois sur les murs de leur prison. On a trouvé, à ce qu’il paraît, des lettres d’Henri VIII à sa maîtresse Anne de Boleyn, au bas desquelles il y avait de ces folles fantaisies d’une plume éperdue de passion et d’ennui, dans l’absence. Par un caprice de cette tête heurtée qui rencontrait naturellement la poésie à force de sensations, Vellini avait brûlé les coins de sa lettre, comme les Klephtes brûlaient le bout de leurs fiers billets aux Pachas, quand ils voulaient les menacer d’incendie. Dans la lettre de Vellini, cette trace noire d’une flamme éteinte était-elle aussi une menace, ou l’expression symbolique d’une âme à moitié consumée ?… Chaque mot, du reste, qu’elle avait tracé d’une