Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/228

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escabeau à trois pieds et un lit propre, mais dur, déployé à bas, sur l’aire, et c’était tout. Les hôtes attentifs de Vellini avaient voulu lui donner leur grand lit carré, à courtines de serge bleue, mais elle l’avait refusé, et le vieux pilote lui avait arrangé des rideaux avec d’anciennes voiles de vaisseau qui ne servaient plus. Du reste, elle avait suspendu dans un coin son hamac rose, aux câbles de soie, dans lequel M. de Prosny l’avait si souvent trouvée (comme il l’avait écrit à madame d’Artelles), se balançant au nez des gens, avec les impertinentes langueurs d’une sultane. Elle avait fait entasser, au coin du foyer, plusieurs gerbes de paille de froment et de colza qu’on lui renouvelait tous les jours, et elle aimait à s’y tenir couchée sous les réchauffantes influences de l’âtre embrasé ou flamboyant. Ainsi, des tuyaux luisants de blé égrené et des tiges de colza défleuries, voilà comme cette Capouanne de la vie parisienne avait remplacé le lit en satin et la peau de tigre aux griffes d’or.

Ce jour-là, elle avait renvoyé Bonine, qu’elle traitait doucement d’ordinaire, et à laquelle elle donnait toutes sortes de chiffons qui comblaient de joie la pauvre fille. La Sirène joufflue de ces mers avait raison. La Mauricaude n’était pas dans son état habituel. « Quels pois lui a-t-on vendus qui n’ont pas cuit ?… » dit la