Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/234

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anciens, étreint aux reins dans le tricot de sa flottante cotte de mailles. Il avait la beauté mûrie d’un homme qui touche au plus intense de sa force, de sa passion, de sa pensée, et qui monte lentement vers le midi de sa vie, dans un char de feu, comme le soleil. Vellini le parcourut tout entier d’un regard retrempé de jeunesse :

— « Le temps ment comme ton mariage, — dit-elle, — comme l’amour qui meurt et qui dit : « C’en est fait pour jamais ! » parce qu’il meurt. Tu es venu, Ryno ! Ce soir, nous n’avons pas dix ans entassés sur nos têtes. Tu es plus beau que quand je te vis pour la première fois, et l’amour mort n’empêche pas que nous ne soyons ici les mains unies, tout prêts peut-être à recommencer le passé et notre amour !

— Tais-toi ! — dit-il, — tais-toi ! » Et son œil et son geste avaient un tel empire, qu’elle se tut, la capricieuse et fière Vellini !

Mais après un silence :

— « Parle, si tu veux, — reprit-il comme un homme lassé de lutter depuis longtemps. — Dis ce que tu voudras. Il n’est que trop vrai : je suis venu. Je n’ai pu résister à ta lettre. Je n’ai pu résister à ce sentiment du passé, réveillé par toi dans mon cœur, depuis le jour de la Vigie. J’ai cherché à l’y étouffer. Je ne l’ai pu. Jamais dévot ne s’est jeté à l’autel comme je