Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« À présent, ce sera moins dur, — ajouta-t-elle, — car tu viendras, n’est-ce pas, cariño ? » Et elle lui en arracha la promesse. Il était attendri de cette rude vie qu’elle menait pour lui, sur ce rivage d’un froid si mortel aux délicatesses d’une fille du Midi. Et surtout, il était touché, jusqu’au fond de l’âme, de cette noblesse de cœur qui ne se démentait pas et qu’elle avait toujours en parlant d’Hermangarde. Il se répétait qu’après tout, c’était du bonheur de cette adorable Hermangarde qu’il s’agissait, et qu’il était encore possible de le sauver !

D’inexprimables langueurs les reprirent sur ces gerbes où ils s’étaient replacés. Ah ! qui ne connaît pas, après les convulsions du bonheur nerveux des caresses, cette détente de tous les organes, cette lassitude brûlante, engourdie, qui a aussi sa volupté ?… On dirait le sommeil de l’opium, se coulant entre nous, membre par membre, et faisant sommeiller le corps avant que la pensée ait clos sa mystérieuse paupière. Ils l’éprouvèrent alors. Ils se bercèrent dans ce dormir, les yeux ouverts ; dans ce somnambulisme transparent des sens, apaisés de jouissances ! S’ils se suspendaient encore l’un à l’autre, c’était d’une caresse pleine de lenteur, mourante, inachevée, une de ces caresses où la rêverie tient plus de place que les hâtes fré-