Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/259

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si ébranlés, il était sous l’empire de si funèbres sensations, qu’en marchant jusque-là le bruit de ses éperons sur les parquets le faisait, malgré lui, tressaillir ! Il avait les yeux pleins de la tête pâle de sa femme, qui lui rappelait une autre pâleur, étendue par lui sur un autre visage, — celui de madame de Mendoze, oubliée dans les caresses de Vellini, mais dont le fantôme, évoqué par une imagination vengeresse, lui disait, le doigt tendu vers Hermangarde : « Hier, tu en as tué une ; demain, feras-tu mourir l’autre ?… » Et il frémissait. En revêtant sa robe de chambre, il lui sembla qu’il mettait un mensonge par dessus ses remords. Ne fallait-il pas se préparer à une hypocrite comédie pour tromper l’œil espionnant des valets ? Il rentra donc dans la chambre de sa femme et sonna. Il ordonna qu’on allât chercher le médecin de Barneville. Le délire venait de s’emparer d’Hermangarde, et ce délire, dès les premiers mots, prit un tel caractère, que le malheureux Marigny fut obligé de chasser la femme de chambre, venue au coup de sonnette, pour qu’elle n’en entendît pas les révélations. Il voulait qu’elles mourussent en lui seul. Il voulait être le seul témoin de ces transports effrayants et de ces cris involontaires, sortis, comme des feux d’un souterrain, du silence de cette femme qui, d’ordinaire, concentrait tout