Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/322

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rompre ces charmes inouïs qui étaient dans l’âme et dans les sens tour à tour ; de reprendre encore ce limon que je croyais épuisé, et de le sucer, une dernière fois, pour qu’il ne restât rien de ces sucs qui m’avaient empoisonné. Enfin, de faire naître de tout cela un dégoût suprême, qui me rejetterait purifié aux pieds d’Hermangarde et tout entier à mon bonheur !

« Hélas ! je ne sais pas, marquise, s’il y avait un autre moyen d’en finir ; mais arrivé au point où j’en étais avec Vellini, je crus vraiment qu’il ne me restait plus que celui-là. Vous qui n’avez jamais craint d’être sincère avec l’homme que vous avez choisi pour fils ; vous dont l’esprit s’est toujours élevé, par le fait seul de son niveau, au-dessus des préjugés, des hypocrisies et de la fausse sagesse du monde, auriez-vous pensé que je me trompais ?… N’eussiez-vous pas trouvé ma résolution téméraire ?… Une lettre que je reçus de Vellini fixa un projet que je roulais depuis longtemps dans ma pensée, grosse d’agitations et de doutes. La Malagaise habitait le Bas-Hamet des Rivières. Elle s’était retirée chez des pêcheurs, où elle vivait avec cette souplesse de nature qui se plie à tout, et qu’elle tient peut-être de la double race dont elle est issue. Une nuit, je laissai Hermangarde endormie et je courus au Bas-Hamet. Les passions qui m’emportaient étaient formidables ; mais je