Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/344

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ce qu’on avait fait ce soir-là. On sortait des derniers jours de juin et le temps était digne de cette saison, qui va être l’été et qui est le printemps encore.

Le ciel avait la beauté d’un ciel du Midi. Le soleil, qui se plongeait à mi-corps dans la mer unie, semblait s’y dissoudre, et lui donnait, tant elle était calme, la physionomie d’un lac d’or. Les blanches maisons de Carteret, qui n’ont qu’un étage, étaient teintées de rose, sous les rayons obliques de ce soleil couchant qui, croulant doucement à l’horizon, n’éclairait plus que les objets placés au niveau de la mer, au sein de laquelle, par degrés, il disparaissait. Tout ce qui dépassait ce niveau, la falaise, les pics des dunes, l’église et son clocher en aiguille, pointu et blanc comme les anciennes coiffures des paysannes du Cotentin, les peupliers à la cime frissonnante et verdâtre, plantés sur les fossés du cimetière et qu’on entr’apercevait de la grève, par le chemin qui mène à l’église, s’étaient comme essuyés des lueurs étincelantes qui les avaient noyés longtemps, et avaient repris, dans un ciel clair encore, mais sans prisme, la netteté pure de leur propre couleur. L’air était chaud comme la vapeur d’un four, malgré l’heure avancée et une brise qui commençait de s’élever. Le sable avait gardé l’impression du soleil brûlant qui l’avait frappé toute la journée.