Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

étonné toujours, quand il n’était pas implacablement curieux, — n’avait pas plus perdu sa flamme verte qu’une émeraude d’un siècle n’a perdu la sienne, pour être enchâssée dans une gothique monture et vue sur le fond d’un bras de vieille femme, ridé et grenu. Il avait presque assisté à la mort assoupie de la marquise de Flers, de cette femme qui, mieux que Mirabeau, avait emporté, en mourant, les lambeaux de la monarchie et une bonté digne de durer toujours. Quoiqu’elle fût sa contemporaine et son amie, sa mort ne lui avait coûté ni un coup de dent ni un quart d’heure de sommeil. De longue main, il se préparait à soutenir le choc redoublé d’une perte plus cruelle encore, dans la personne de madame la comtesse d’Artelles, cette sœur Siamoise de la marquise, qui traînait sa vie au lieu de vivre, depuis la mort de sa moitié. La comtesse d’Artelles, il est vrai, était liée à lui par des intimités que le temps avait soudées dans toutes les habitudes de leur existence ; mais c’était un homme à enterrer toute une race d’amis et d’anciennes maîtresses avec l’impassibilité d’un fossoyeur. Routinier, tous les jours le voyaient, vers la même heure, dans le salon de madame d’Artelles. Ce petit salon de forme ovale et très drapé où se tenait la dolente comtesse, dans une bergère devant laquelle il s’établissait en