Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/46

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triple hyménée de la terre, du ciel et de l’océan, si bien fait pour réfléchir, comme un nouveau miroir d’Armide, l’hymen plus mystérieux de deux cœurs. Les poètes l’ont bien compris, du reste. Le plus grand de tous peut-être, n’a-t-il pas suspendu le frais tableau d’un amour sublime de passion vraie et d’innocence, aux côtes sinueuses d’une des Cyclades ? Dans tout amoureux, il y a du grand poète. Hermangarde et Marigny avaient cédé à l’instinct juste de l’amour, en choisissant le bord de la mer pour y passer cette lune de miel qui — comme la lune du ciel visible — paraît plus douce au bord des flots.

Hermangarde ne connaissait pas la mer. Cette grande idée manquait à son esprit. Elle avait voulu l’acquérir en même temps que son âme atteignait l’apogée de toutes ses puissances et se complétait par tous les partages de l’amour. Marigny, l’aventurier Marigny, qui avait vécu tant d’existences, n’éprouvait plus cette suave et première ivresse des facultés à leur aurore, ce vertige délicieux du cœur qui fait croire à la créature qu’elle est une divinité par cela seulement qu’elle est aimée ; mais il était né près de la mer, il avait été, comme il le disait : élevé les pieds dans son écume, et de tous les souvenirs de son enfance, l’idée du temps passé en face de l’Océan était le seul qui ne le faisait pas