Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/63

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reconnaissance, cette main enflée dont j’adore l’enflure qui n’empêche pas d’écrire. Je baiserais même votre mule, comme celle du Pape, si vous en aviez une encore, mais on n’en porte plus. C’était bon pour les pieds de notre jeunesse, ces pauvres pieds qui ont passé, comme s’ils avaient été des ailes ! Hélas ! comtesse, je me demandais, l’autre soir, où ils étaient allés en regardant ceux de la douairière de Vandœuvre, décidément cul-de-jatte, si cela peut vous être agréable, et dont par conséquent les articulations ont de bien autres afflictions que les nôtres. J’avais reçu votre lettre dans la matinée. Je pensais à vous. « Que votre jolie petite goutte à la main soit bénie, madame la comtesse ! » disais-je, à part moi, en apercevant les tibias d’une des femmes de Versailles qui dansaient le mieux le menuet, engloutis dans d’épouvantables babouches, bonnes pour des jambes attaquées d’éléphantiasis.

« Cette pauvre Vandœuvre ! Savez-vous que c’est bien mal à vous, comtesse, malgré toute votre amitié, toute votre bonté (mais les meilleures d’entre vous sont encore cruelles), de me dire qu’elle vous a remplacée dans ma vie, et qu’elle fait l’interim de notre intimité pendant votre absence ? Est-ce possible, cela ? Est-ce qu’on vous remplace ? On pourrait, tout au plus, vous succéder. Mais elle ne vous succède