Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

oser. Elle était sa monarchie de cœur depuis trente ans, et cette monarchie absolue, il la tempérait par de petites ironies, comme l’autre, dans l’ancien régime de France, se tempérait par des chansons. La comtesse, adroite comme les gouvernements devraient l’être, et n’étant pas pour rien l’intime amie de madame de Flers, à qui elle avait vu pratiquer sur feu le marquis une domination modèle, ne se blessait pas des plaisanteries de son esclave. Elle avait la longanimité de cette rusée commère italienne que l’Histoire, qui se mêle peu du sexe des âmes, appelle, sur son rabat et sur sa moustache, le cardinal Mazarin. Elle pardonnait l’illusion d’une petite résistance dans l’intérêt de son pouvoir.

Seulement, comme il faut que la femme se retrouve un peu partout, elle eut un dépit impatient en lisant la lettre où le vicomte, qui n’avait jamais été si brave, maintenait son opinion sur Vellini. « — Voyez ! — dit-elle à la marquise, — voilà que M. de Prosny me raille maintenant parce que je crois comme vous à la sincérité du cœur de M. de Marigny. C’est un vrai tocsin qu’il nous sonne avec les clochettes de son chapeau de fou. Ne le dirait-on pas épris à son tour de cette odieuse femme qui fait rêver jusqu’aux vieillards, et sur laquelle il nous écrit six énormes pages, lui qui,