Page:Barbey d'Aurevilly - Une vieille maitresse, tome 2.djvu/93

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— Chère maman, — dit madame de Marigny, touchée du ton de la marquise, en laissant là sa broderie pour venir prendre la pose qu’elle prenait quand elle était jeune fille, et en s’agenouillant sur le tabouret aux pieds de sa grand’mère, — j’aime ce pays ; j’y suis heureuse, l’été m’y a été si bon ; mais je vous préfère à tous les pays du monde ! Si je le veux, Ryno retournera à Paris !…

— Non ! non ! — repartit vivement la marquise, retrouvant sa fermeté sous l’attendrissement qui la pénétrait. — Non ! ma chère enfant, je ne veux point de ton sacrifice. Restez ici, puisque vous vous y plaisez ; je vous aime presque mieux ici qu’à Paris, où vous iriez dans le monde sans moi, et où je ne vous verrais pas beaucoup davantage. »

Elle ne disait pas la vraie raison qui la faisait les aimer mieux à Carteret qu’à Paris, tout l’hiver. Mais si elle parlait du monde, des distractions du monde, elle ne pensait qu’à Vellini.

Elle se mit à passer les mains sur le pur ovale du visage de sa petite-fille, qui avait couché câlinement la tête sur les genoux maternels, et caressant la joue de Briséis, tournée vers elle :

— « Tu ne sais donc pas, mon beau cœur, — lui dit-elle avec une douce mélancolie, —