Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/102

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jamais. Il paraît même que, sans l’amitié de la duchesse d’York, à laquelle il avait promis de ne point révéler ce qu’il savait de la vie intime du Régent, il aurait écrit des Mémoires et refait ainsi sa fortune ; car les libraires de Londres lui proposèrent des sommes immenses pour prix de ses indiscrétions. Ce silence très délicat, du reste (que la duchesse le lui ait fait garder ou qu’il l’ait gardé de lui-même), ne toucha pas beaucoup l’épais égoïsme de Georges IV. Quand il traversa Calais, il est vrai, pour aller visiter son royaume de Hanovre (1821), il laissa, avec la mollesse d’une âme blasée, arranger les choses autour de lui pour une réconciliation ; mais Brummell ne se prêta qu’à moitié à ces combinaisons officieuses. Comme la vanité ne nous lâche jamais, même sur la roue, il ne voulut point demander d’audience au Prince qui n’était qu’un Dandy fort inférieur à ce qu’il était, lui, à ses propres

    cette autre légèreté dont les mères parlent, en pinçant le bec, devant leurs filles. Malgré cela pourtant, ― et peut-être à cause de cela, car elles ne dominent pas qui les domine, ― elles peuvent très bien aimer d’amour un insupportable Dandy ; et, en général, qui ne peut-on aimer d’amour dans la vie ? Mais il ne s’agit ici que d’amitié, c’est-à-dire encore plus d’un choix que d’une sympathie.