Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/47

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qu’ils ont, et le Dandysme représentant justement celles qui n’avaient pas leur place dans les mœurs, tout homme supérieur dut se teindre et se teignit plus ou moins de Dandysme. Ainsi Marlborough, Chesterfield, Bolingbroke, Bolingbroke surtout ; car Chesterfield qui avait fait dans ses Lettres le traité du Gentleman, comme Machiavel a fait le traité du Prince, moins en inventant la règle qu’en racontant la coutume, Chesterfield est bien attaché encore à l’opinion admise ; et Marlborough, avec sa beauté de femme orgueilleuse, est plus cupide que vaniteux. Bolingbroke seul est avancé, complet, un vrai Dandy des derniers temps. Il en a la hardiesse dans la conduite, l’impertinence somptueuse, la préoccupation de l’effet extérieur, et la vanité incessamment présente. On se rappelle qu’il fut jaloux de Harley, assassiné par Guiscard, et qu’il disait, pour se consoler, que l’assassin avait sans doute pris un ministre pour un autre. Rompant avec les pruderies des salons de Londres, ne l’avait-on pas vu ― chose horrible à penser ! ― afficher l’amour le plus naturel pour une marchande d’oranges, qui peut-être n’était pas jolie, et qui se tenait sous les galeries du Parlement[1] ?

  1. London and Westminster Review.