Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/75

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d’autre chose ? N’a-t-elle pas plus fait pour la réputation de Talleyrand que cet esprit même ? Fille de la Légèreté et de l’Aplomb, ― deux qualités qui semblent s’exclure, ― elle est aussi la sœur de la Grâce, avec laquelle elle doit rester unie. Toutes deux s’embellissent de leur mutuel contraste. En effet, sans l’Impertinence, la Grâce ne ressemblerait-elle pas à une blonde trop fade, et sans la Grâce, l’Impertinence ne serait-elle pas une brune trop piquante ? Pour qu’elles soient bien ce qu’elles sont chacune, il convient de les entremêler.

Et voilà à quoi Georges Bryan Brummell réussissait mieux que personne. Cet homme, trop superficiellement jugé, fut une puissance si intellectuelle, qu’il régna encore plus par les airs que par les mots. Son action sur les autres était plus immédiate que celle qui s’exerce uniquement par le langage. Il la produisait par l’intonation, le regard, le geste, l’intention transparente, le silence même[1] ; et c’est une

  1. Il jouait trop bien de la conversation pour n’être pas souvent silencieux ; mais ce silence n’avait pas la profondeur du silence qui écrivait : « Ils me regardaient pour savoir si je comprenais leurs idées sur je ne sais quoi et leurs jugements sur je ne sais qui. Mais ils me prenaient probablement pour quelque médiocrité de