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Page:Barbey d’Aurevilly – Du dandysme et de Georges Brummell.djvu/78

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pas loin d’eux-mêmes et qui n’ont de foi et de volonté que pour les jouissances immédiates, Brummell ne désira jamais que celles-là et il les eut à foison. Il fut payé par la destinée de la monnaie qu’il estimait le plus. La société lui donna tous les bonheurs dont elle dispose, et pour lui il n’y avait pas de plus grandes félicités[1] ; car il ne pensait pas comme Byron, ― tantôt renégat et tantôt relaps du Dandysme, ― que le monde ne vaut pas une seule des joies qu’il nous ôte. À cette vanité, éternellement enivrée, le monde n’en avait pas ôté. De 1799 jusque vers 1814, il n’y eut pas de rout à Londres, pas de fête où la présence du grand Dandy ne fût regardée comme un triomphe et son absence comme une catastrophe. Les journaux imprimaient son nom, à

  1. Les moralistes demanderont insolemment : Fut-il heureux de cet unique bonheur du monde, qui fait pitié ? Et pourquoi pas ?… La vanité satisfaite peut suffire à la vie aussi bien que l’amour satisfait. Mais l’ennui ?… Eh ! mon Dieu ! c’est la paille où se rompt l’acier le mieux trempé en fait de bonheur. C’est le fond de tout, et pour tous, à plus forte raison pour une âme de Dandy, pour un de ces hommes dont on a dit bien ingénieusement, mais bien tristement aussi : « Ils rassemblent autour d’eux tous les agréments de la vie, mais ainsi qu’une pierre qui attire la mousse, sans se laisser pénétrer par la fraîcheur qui la couvre. »