Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mière expédition son fiancé sans une seule blessure, s’épanouit, malgré sa réserve, dans un sentiment qui était plus que de l’amour, qui était de la fierté heureuse ! Oui, le seul jour où j’aie vu Aimée, cette magnifique rose fermée et toute sa vie restée en bouton, nous montrer un peu de l’intérieur de son calice, fut ce jour qui précéda notre départie pour Coutances et le malheur qui allait la frapper !

Nul pressentiment ne l’avertit de ce qui devait sitôt suivre…, et quand M. Jacques, triste ce jour-là plus que les autres jours, parmi ses compagnons joyeux, nous dit, à lui, son pressentiment, c’est-à-dire qu’il mourrait dans cette seconde expédition…

— Oui, interrompit mademoiselle Ursule de Touffedelys, c’est à moi qu’il le dit et à Phœbé de Thiboutot, qui étions ses voisines de table, au souper après lequel vous deviez partir dans la nuit. On était au dessert. Tous ces messieurs, très-animés, parlaient du lendemain comme d’un jour de fête. On avait bu à la santé du Roi et à l’enlèvement du chevalier Des Touches. Lui seul, M. Jacques, restait sombre, son verre plein. Phœbé de Thiboutot, qui n’était que depuis peu à Touffedelys, et qui d’ailleurs, était légèrement follette, lui dit, comme une enfant qu’elle était : — « Pourquoi êtes-vous si triste, vous ? Vous ne croyez donc