Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/18

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qu’il y avait assez dans les détails qu’on vient de signaler, mais surtout dans l’image de ce Dieu sanglant qui, le jour, grâce à la grossièreté de la peinture, épouvantait le regard, sous les joyeux rayons du soleil, et qu’on savait là, sans le voir, étendant ses bras dans la nuit, pour faire pénétrer le frisson jusque dans les os et doubler les battements du cœur. Mais, comme s’il avait fallu davantage, voici qu’un fait étrange, — dans cette petite ville où, à pareille heure, les mendiants dormaient bien acoquinés dans leur paille, et où les voleurs de rue, les gentilshommes de grand chemin, étaient à peu près inconnus, oui, un fait extraordinaire vint à se produire tout à coup… De la rue Siquet au milieu de la place des Capucins, la lanterne qui projetait sa pointe de lumière sous le parapluie incliné s’éteignit, juste en face du grand Christ. Et ce n’était pas le vent qui l’avait soufflée, mais une haleine ! Les nerfs d’acier qui tenaient cette lanterne l’avaient élevée jusqu’à la hauteur de quelque chose d’horrible, qui avait parlé. Oh ! ce n’avait pas été long ! un instant ! un éclair ! Mais il est des instants dans lesquels il tiendrait des siècles ! C’est à ce moment-là que les chiens avaient hurlé. Ils hurlaient encore, quand une petite sonnette tinta à la première porte de la rue des Carmélites, qui est à l’extrémité de la