Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

hommes terriens, chasseur enragé, quel que fût le poil de la bête ou la plume, il avait fallu cette fin du monde de la Révolution pour arracher Hylas de Fierdrap à ses bois et à ses marais. Gentilhomme avant tout, dès que les premières quenouilles eurent circulé dans le pays, il offrit à l’armée de Condé un volontaire qui savait porter gaillardement, pendant trente lieues de route, un fusil à deux coups sur la carrure de son épaule, et qui, des balles de son double canon, eût aussi bien coupé le bec à une bécassine qu’abattu un sanglier, en le frappant entre les deux yeux. Lorsque l’armée de Condé avait été licenciée et qu’il n’y eut plus rien dans la poire à poudre de ce dernier des Chasseurs du Roi, le baron de Fierdrap était passé en Angleterre, cette terre de l’excentricité, et c’est là qu’il avait contracté, disait-on, ces manières d’être, qui le firent regarder, sur ses vieux jours, comme un original par ceux qui l’avaient connu ressemblant à tout le monde dans sa jeunesse.

Le fait est que comme le chat du bonhomme Misère (autre dicton normand), il ne ressemblait plus à personne. Ayant perdu tout, ou à peu près, de sa fortune patrimoniale, il vivait comme il pouvait de quelques bribes et de la maigre pension qu’octroya la Restauration aux pauvres chevaliers de Saint-Louis, qui avaient