Page:Barbey d’Aurevilly – Le Chevalier Des Touches, 1879.djvu/53

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— Si l’air est très-fin, dit mademoiselle Ursule de Touffedelys, qui faisait la médecine des pauvres et qui avait des explications à elle pour expliquer une irrégularité organique à laquelle les médecins ne comprenaient rien, si l’air est très-fin, vous pouvez être bien tranquille, elle n’entendra pas une syllabe de tout ce que vous nous direz !

— Et il est très-fin, dit l’abbé, en passant ses mains le long de ses jambes, car je sens une vraie tempête de vents coulis sur mes bas de soie. Quand donc ferez-vous descendre votre paravent dans le salon, mesdemoiselles ?

— Eh bien, dit le baron de Fierdrap, suivant son idée, ne commençons que quand elle sera venue, afin de n’avoir pas à nous interrompre… Et, précisément, la pendule se mit à marquer le quart après neuf heures avec un bruit sec…

Cette pendule était un Bacchus d’or moulu, vêtu de sa peau de tigre, qui, debout, tenait sur son genou divin, ni plus ni moins qu’un simple tonnelier de la terre, un tonneau, dont le fond était le cadran où l’on voyait les heures, et dont le balancier figurait une grappe de raisin, picorée d’abeilles. Sur le soc enguirlandé de pampres et de lierres, à trois pas du dieu aux courts cheveux bouclés, il y avait un thyrse renversé, une amphore et une coupe… Drôle de pendule chez de vieilles filles, qui ne buvaient guère que du