Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/14

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France, a faussé pour longtemps (pour toujours peut-être !) une destinée dont le secret ne se trouve qu’à deux places : dans le passé et dans le sol. Le mal tend au complet comme le bien. Law est dans l’ordre économique ce que fut le Régent dans l’ordre politique. De tels génies devaient s’accueillir, se comprendre et s’arc-bouter ; car ils étaient l’un et l’autre la Révolution.

À notre sens, fort inflexible, Cochut n’est point assez sévère pour Law. Il n’ose le condamner ni l’absoudre, et cette hésitation est déjà un jugement qui révèle la pente naturelle de l’esprit. Chose logique, du reste ! tout économiste moderne doit se sentir des entrailles pour l’homme du système, car c’est de cet homme que date, en France, « cette vive surexcitation de l’industrie » qui a remplacé la grande existence agricole d’autrefois. Cochut cite, comme une opinion qu’il épouse, les paroles de Gautier sur Law dans l’Encyclopédie du Droit : « La conception de Law, malgré les vices originaires qui rendaient le succès impossible, malgré la témérité aveugle et les fautes graves qui rendirent sa chute si soudaine et si terrible, n’en atteste pas moins chez son auteur, outre un génie puissant et inventif, la perception distincte des trois sources les plus fécondes et jusque-là les plus ignorées de la grandeur des nations : le commerce maritime, le crédit et l’esprit d’association. »