Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/173

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été, de par le roi, chargé de corriger sa première tragédie, et il l’avait caressée.

Ce jeune page de la princesse de Conti, heureux et hardi comme un Gascon, quoiqu’il ne fût que de Périgueux, avait été accepté comme un grand homme à l’âge où l’on n’est presque jamais qu’un ridicule jeune homme, quand on doit devenir un homme plus tard. Engoulevent de vanité comme tout poète et pris à la pipée des éloges de salon, il s’était donné à la duchesse du Maine et faisait l’espoir de cette coterie de Sceaux, puissante non par elle-même, car elle ne fut jamais qu’une conspiration de Trissotins, ayant pour chef une Philaminte, mais parce qu’elle représentait, dans les hautes classes, l’opposition au misérable gouvernement du duc d’Orléans. C’est de Sceaux, en effet, que partit le trait de feu qui devait allumer l’indignation couvant de la France. C’est à Sceaux qu’on avait arrangé la machine infernale de ces vers fulminants qui devaient faire sauter le Régent et qui ne firent sauter personne, pas même l’aveugle qui les vendit un sou à la porte de Saint-Roch au sortir de la messe un dimanche ! pas même la tête de leur auteur !

On la lui laissa, en effet. On se contenta de l’envoyer au fort de Sainte-Marguerite, d’où il s’échappa, succès de plus, pour courir l’Europe et ajouter, il faut bien le dire, au train bruyant de sa renommée, la dignité de dangers réels et fréquents. Le scandaleux devint romanesque. Il eut donc tout pour être populaire.