Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/194

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IV


Certes ! il faut l’avouer ! une telle possession de soi-même en écrivant une histoire qui nous passionne tous est souverainement éloquente, et s’il y a quelque chose qui doive et qui puisse modifier l’opinion générale sur Louis XVI, c’est cette modération gouvernée, c’est ce goût suprême dans l’expression qu’on emploie pour le condamner. Pour un homme de monarchie et d’entrailles (et Renée est l’un et l’autre), il est difficile, en effet, de parler de Louis XVI. Il ne sied guères qu’à ceux qui l’ont tué ou à ceux qui partagent leur opinion terrible de se donner, en parlant de lui, les airs d’une pitié généreuse et de dire le mot accablant qui sera le mot de l’Histoire : « Pauvre, pauvre roi ! » Nous n’avons pas, nous, de tels avantages. Quand on aime les rois et qu’on a mieux pour eux que des larmes, quand on croit que les plus belles choses qu’il y ait encore sur la terre ce sont les pouvoirs qui conduisent les sociétés ou qui les défendent, on doit avoir réellement peur de toucher au cadavre décapité de Louis XVI à travers la pourpre de son sang répandu, plus inviolable à la postérité que ne le fut à ses contemporains sa pourpre royale. On doit craindre toujours d’y tacher ses doigts et on rêve sa main régicide.