Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/25

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hommes comme eux. Les détails qu’ils empilent dans leur histoire, toutes leurs manières de voir, leur admiration incessamment trahie, appuieront, sans beaucoup la soutenir, il est vrai, l’opinion qui fait du peuple chinois l’un des plus grands peuples du monde. S’il n’y avait ici qu’une préoccupation d’études, qu’une adoration de savant qui finit par faire une idole de l’éternel objet de sa pensée, nous trouverions cela touchant et assez frais, car la pensée a aussi son enfance comme la vie ; et, si ce n’était pas suffisant pour expliquer une admiration si naïve ou si profonde, nous penserions à ces moines du mont Athos qui finirent par voir la lumière incréée, à force de regarder attentivement leur ombilic. Malheureusement, il y a autre chose que tout cela dans l’enthousiasme sans réserve de Bazin et de Pauthier. Quoiqu’ils ne soient pas philosophes, ayant pignon sur rue comme tels, ils travaillent chez Didot : c’est déjà une bonne note. Diderot y aurait travaillé, et ce n’eût pas été le plus mauvais de l’affaire de Didot. Mais, par cela même qu’ils y travaillent tous les deux, ils doivent avoir un peu de la maladie héréditaire qui nous a été transmise par le XVIIIe siècle, et notre diagnostic serait bien trompé si à la pureté des préoccupations du sinologue ne se mêlait, en la contaminant, cette affreuse petite suppuration philosophique qui s’en va filtrant malproprement dans tant de livres contemporains ! Que de fois nous avons cru la reconnaître dans leur his-