Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/319

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bassadeur, et il est rejeté à la fin du volume. L’intérêt se concentre donc exclusivement sur Saint-Simon, le Saint-Simon double qui apparaît comme un autre Saint-Simon aujourd’hui, et qui devient pour l’histoire quelque chose comme un problème. Comment les historiens, qui vont s’occuper de ce problème, le résoudront-ils ?… Je l’ignore, mais, pour mon compte, je ne crois pas au double Saint-Simon, et, malgré la différence et le contraste de ses langages, j’affirme qu’il n’y en a qu’un ! Saint-Simon, avant qu’il eût la conscience de son génie d’écrivain, avait en lui, plus profondément que l’artiste, un ambitieux, dont l’ambition avait encore plus d’intensité que son génie, et c’est l’ambitieux qui, dans sa vie, doit expliquer tout ! Or, l’ambition qui fait la fière n’est pas aussi fière qu’elle le dit et voudrait le faire croire. Elle est prête à tout pour arriver aux sommets qui la tentent. Sans être hypocrite, elle est prête à l’hypocrisie ; sans être basse, à la bassesse. Et voilà pourquoi Saint-Simon — il faut bien le dire ! — a été hypocrite et bas avec Dubois. Pas plus coupable en cela que tous les ambitieux de la terre : — César, Napoléon, Richelieu, qui ont, tous, leur sac d’hypocrisies et de bassesses, et furent à de certains jours assassins de la fierté dans leur propre cœur, c’est-à-dire de ce qu’il y a de plus beau dans le cœur des hommes, — pas plus coupable, mais pas plus grand !