Page:Barbey d’Aurevilly - À côté de la grande histoire, 1906.djvu/355

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personnelle des facultés qui font le talent, mais il a l’impuissance de son siècle, — d’un siècle à qui manque radicalement le sens des choses religieuses, et il en faut au moins la connaissance et la compréhension pour en parler dans une histoire où elles tiennent une si grande place. Certes ! même sans la foi religieuse qu’il n’a pas, l’historien n’a point le droit de n’en pas tenir compte dans la vie des hommes dont il écrit l’histoire ; car cette foi religieuse, même inconséquente, même violée et faussée par les passions qui entraînent hors de Dieu, fût-ce dans les voies les plus scélérates, cette foi religieuse, tombée et ravalée jusqu’au fanatisme de Philippe II, par exemple, est encore une grande chose, qui grandit l’homme par le Dieu qu’elle y ajoute, et qui, s’imposant au moraliste dans l’historien, doit le forcer à s’occuper d’elle. Or, c’est justement l’étude de cette grande chose qui plane sur toute la vie de Philippe II et qui le met à part, dans l’Histoire, lui et le XVIe siècle, c’est cette grande chose qui se trouve oubliée dans le livre de Forneron, où, excepté cette grande chose, il a tout vu.

Il a tout vu, humainement, politiquement, par dehors, comme on voit dans le drame profane de l’Histoire, — le drame sans monologues et sans confidents, — et qu’on s’arrête aux faits, sans descendre dans l’abîme des consciences, — ces gouffres de complications ! Le fanatisme religieux ôté de l’âme de Philippe II, il se fait à l’instant en lui le vide de l’homme