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VI PRÉFACE

a été poétisée, comme on va voir, avec une telle fantaisie d’imagination, que rien de réel ne s’y retrouve, — que les sentiments de deux amis et la palpitation de leur cœur.

La scène, qui se passe dans un paysage magnifiquement décrit, se trouve donc développée dans des conditions de vie matérielle à faire sourire les analystes d’aujourd’hui. Mais ce qui ne les fera pas sourire, ce qui les rendra songeurs et tristes, c’est le contraste entre les fières aspirations des jeunes gens de cette déjà lointaine époque et la lassitude découragée de ceux d’à présent, — contraste rendu comme palpable par les discours que se tiennent l’un à l’autre ce Somegod et cet Altaï. Cela est parfois bien naïf d’exaltation juvénile, mais c’est aussi parfois très beau de vibration profonde, et je ne connais pas beaucoup de morceaux plus éloquents que celui où le Panthéisme de Guérin se trouve expliqué. Lisez seulement ces lignes : « Posséder ! crie du fond ténébreux de nous-même une grande voix désolée et implacable. Posséder ! dût-on tout briser de l’idole, tout flétrir et d’elle et de soi ! Mais comment posséder la Nature ? A-t-elle des flancs pour qu’on la saisisse ? Dans les choses, y a-t-il un cœur qui réponde au cœur que dessus l’on pourrait briser ?… »