Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

relevait pas la tête. Il s’en allait lentement et sans but, courbé déjà comme un homme plein de jours et d’expérience. On aurait dit que la jeunesse lui avait été donnée en vain.

Quand les hommes cherchent la solitude, quand on les voit se rejeter au sein quitté de la Nature, on les juge d’abord malheureux. Peut-être ce jugement n’est-il pas trop stupide pour le monde ; car jamais la Nature n’est plus belle que quand nous avons le cœur brisé. Mais le mystère, l’éternel mystère, c’est la Douleur, cet ange à l’épée flamboyante, qui nous pousse du monde au désert et de la vie à la Nature, et qui s’assied à l’entrée de notre âme pour nous empêcher d’y rentrer si nous ne voulons périr ! C’est cette douleur que les hommes n’ont pas vue qu’à la face, et c’est le nom de cette douleur que les hommes ignoraient en Somegod.

Ainsi, Somegod avait souffert, sans doute, mais tant de choses font souffrir dans la vie qu’on n’aurait osé dire de quoi cette âme avait été atteinte. Ah ! la tunique restait en plis gracieux sur cette poitrine et en gardait bien le secret. D’ailleurs, que ce soit pour l’empire, l’amour ou la gloire, que nous tarissons nos âmes en sou-