Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/37

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couvrait de ses ruissellements d’or, je t’ai reconnu, ô Altaï ! Je t’ai bien reconnu à ta démarche, à la manière dont tu portais la tête, à la fierté calme et jamais démentie de tes mouvements. Je me suis dit : « C’est Altaï qui descend là-bas la colline ; c’est lui qui revient trouver Somegod, le poète, le rêveur, le défaillant. » Et j’ai éprouvé jusque dans la moelle de mes os une joie secrète, quelque chose de véhément et d’intime comparable, sans doute, à ce qu’éprouvent les hommes capables d’amitié, et j’ai mieux compris, dans cet élan de mon âme à toi, ces sentiments qu’avant de te connaître je me croyais interdits. Je me suis levé de cette pierre où je passe une partie de mes jours et j’ai pris mon bâton blanc derrière ma porte, et j’ai descendu plus vitement la falaise que la jeune fille qui va voir débarquer son père le pêcheur, après une absence de sept nuits. Je me suis arrêté plusieurs fois pour te regarder venir. Je cherchais à démêler de si loin dans ton allure et tes attitudes le travail de ces deux ans écoulés ! Mais tu n’avais pas plus changé qu’un marbre sur un piédestal : ton pied, contempteur de la terre, la foulait toujours avec le même mépris, et comme autrefois tu