Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/39

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« Quelle était cette femme, ô Altaï ? Je l’ai vue de plus près quand tu t’es approché et que j’ai pris ta main dans les miennes, et quoique la beauté des femmes ne me cause pas d’impressions bien vives et que Dieu m’en ait refusé l’intelligence, cependant elle m’a semblé belle. Et puis elle n’est pas née d’hier non plus ; elle a bu aux sources des choses comme nous. La première guirlande de ses jours est fanée et tombée dans le torrent qui l’emporte, et la trace des douleurs fume à son front, comme sur la route celle du char qui vient d’y passer ! Pour moi, c’est la beauté suprême que cette attestation, écrite au visage dans ces altérations, que la vie n’a pas été bonne. Toute femme qui souffrit est plus que belle à mes yeux : elle est sainte. Douleur ! douleur ! on a là le plus merveilleux des prestiges. Vous vous mêlez jusqu’au seul amour de mon âme, dans mon culte de la Nature. Je me sens plus pieux pour elle les jours où elle paraît souffrir, et je l’aime mieux éplorée que toute-puissante.

« Qu’est-elle, cette femme, ô Altaï ? Pourquoi l’as-tu amenée en cette solitude ? Est-ce l’amour qui l’attache à tes pas ? Est-ce cette amitié plus