Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/54

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jour à travers des ombres lentes à disparaître. Un vent presque liquide de fraîcheur s’élevait de la mer et déroulait les perles de rosée suspendues à la chryste marine de la falaise, tapis nuancé d’une pourpre violette et foulé par les pieds nuds des jeunes pêcheuses. Les premiers bruits du jour se faisaient entendre au loin, mais confus encore comme le premier réveil des hommes, distincts seulement à cause de la pureté de l’air du matin.

Somegod, qui se levait toujours pour aller ramasser la première feuille tombée du bouquet aérien de l’Aurore, fleur impalpable respirée par le regard et gardée dans la pensée, ce sein plus intime que le sein, et où, comme sur l’autre, elle ne se flétrissait pas ; Somegod, le Chrysès de ces plages, revenait des grèves à sa masure, inquiet de ses hôtes, que le grand jour devenu pénétrant avait sans doute réveillés. Il croyait les retrouver assis aux pierres de la porte, admirant ce magnifique spectacle de la mer où le soleil luit, et des horizons que le jour infinitise. Il se trompait ; ils n’y étaient pas. Il les aperçut par la porte entr’ouverte, Altaï debout derrière celle dont il ne savait pas encore le nom. Le Philosophe atta-