Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/84

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et des coquillages frappés des rayons de la lune.

Le mélancolique récit du Poète avait-il réveillé en elle ces cordes assoupies depuis quelques jours ? Il faut si peu à ces âmes mobiles et précipitées, qui ne jettent l’ancre nulle part, pour dériver sur le flot où elle s’était arrêtée plus languissante.

— «  Ô Altaï ! — dit-elle avec une voix plaintive, — as-tu entendu ce que Somegod a dit de toi ? Ô le plus grand malheureux de nous trois, c’est toi, qui as apaisé Somegod ! — c’est toi qui veux relever Amaïdée ! Quel es-tu, le poète le sait-il ? Je le conjurerais de me l’apprendre, puisque toi, dont la parole est si pleine de charmes, tu dédaignes de parler de toi. As-tu aussi au cœur quelque passion qui ait absorbé toute ta vie et qui rende impossible l’amour ? »

Altaï répondit après un silence :

— « Ne me demande pas ce que je suis, Amaïdée. Je te le dirais peut-être si tu ne m’aimais pas. Je te le dirai sans doute, si alors tu tiens encore à le savoir, le jour que tu auras cessé de m’aimer.

— Cesser de t’aimer ? — lui dit-elle. — Ô Altaï ! pourquoi donc m’affliges-tu toujours ?