Page:Barbey d’Aurevilly - Amaïdée, 1890.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Adieu donc, Altaï, adieu ! Oublie-moi ! Je ne t’écrirai point que je ne t’oublierai jamais, que t’importe !… Dans ta supériorité mystérieuse, n’es-tu pas détaché de tout ? Ta bonté même n’est-elle pas un dédain plus profond que celui qui blesse ? Ah ! si tu avais été plus vulgaire, peut-être serais-je restée auprès de toi. Ne m’eusses-tu pas aimée, du moins tu aurais eu une pitié que j’aurais comprise. Un autre que toi rirait des mollesses de mon âme, mais ton orgueil ne ressemble à celui de personne ; aussi demeurerai-je vraie avec toi. Je retourne à ma vie errante. J’en suis lasse, et je ne saurais m’en passer. J’y retourne, non point rapidement et le cœur palpitant comme il arrive quand on va rejoindre ce qu’on aime ; je n’aime pas ce que je vais retrouver. Ah ! les hommes sont bien fous s’ils croient que c’est une passion qui décide toujours de la vie. Bien souvent l’ennui m’énervait plus douloureusement auprès de toi que les voluptés fades et grossières, sans charmes pour les sens hébétés, mais ignoblement nécessaires au vide du cœur et de la vie. »

Somegod avait fini la lettre, cette lettre qui venait d’apprendre à ces deux hommes que la