Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/303

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X

Le printemps dont ils désiraient tant la venue, arriva enfin. Ce ciel nuageux et glauque, cette nature nue et attristée, reparurent dans le frais épanouissement de leurs rajeunissements éternels. Déjà les arbres du jardin entr’ouvraient leurs bourgeons, et les feuilles, chaque jour plus dépliées, tendaient leurs voiles de verdures sur les berceaux du petit bois. Cette première verdure, puberté virginale du feuillage, est riante et mélancolique tout ensemble, comme une espérance et comme un souvenir. Un or pâle en irrise la nuance verte, et l’on ne saurait dire si c’est un reste des jaunes rayons de l’automne gardé dans le mystère de la verdure renaissante, ou les premières traces d’un soleil plus éclatant ou plus limpide. Pourquoi donc un peu de l’automne ne se retrouverait-il pas dans ces printaniers sourires de la nature renouvelée ? — comme la vague ressemblance d’une mère morte au front d’un enfant plein de vie, touchante et frêle empreinte de l’agonie qui précéda sa naissance.

Les lilas suspendaient et mariaient leurs grappes d’améthyste au feuillage noir des cyprès entre lesquels ils étaient plantés, derrière le château. Le ciel se trempa d’une eau