Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toi toujours là, toujours, et quand, même là, tu te tais, Allan, quand tu ne me regardes plus, il me semble que tu n’y es pas !

— Oui, ma Camille, — répondit-il, — oui, tu seras obéie, ma souveraine adorée ! Multiplie tes exigences, — reprenait-il, — je les compterai comme des preuves d’amour.

C’est ainsi qu’il était maîtrisé par elle après l’avoir maîtrisée.

— Eh bien ! — dit-elle après la pause d’un baiser aux lèvres de son amant, — demande-moi à ma mère aujourd’hui.

Il n’échappait pas à l’importune prière. Une colère plus réellement injuste que ce qu’il avait appelé ainsi dans Camille s’empara de lui, mais il la retint dans son cœur.

— Tu te tais ! — s’écria-t-elle, — tu te tais ! et tu m’aimes ? Oh ! Allan, je ne te comprends pas ! tu n’as qu’à dire un mot et je serai ta femme demain, et je ne puis t’arracher ce mot ! et tu m’aimes ! Il y a là-dessous quelque chose qui me confond et me supplicie !

Au fait, cette logique était indomptable. Il n’y avait rien à répondre, ou bien il fallait tout avouer.

— Ah ! sans doute, je te demanderai à ta mère, — fit Allan avec une faiblesse insidieuse. — Mais seras-tu plus heureuse qu’à présent de mon amour ?… Que risquons-nous à présent d’attendre encore ?…

— Et notre enfant, attendra-t-il ? — fit-elle d’une voix basse.

À ce mot, Allan devint tout pâle… Elle suivit du regard cette pâleur verte sur le visage de son amant ; puis elle reprit d’un ton sombre :