Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/330

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XII

Lorsque Camille entra chez sa mère, son esprit était dans une telle agitation de la scène qui venait d’avoir lieu entre elle et Allan, qu’elle n’éprouva pas l’émotion de timidité que lui causait toujours la présence de madame de Scudemor. Une fièvre violente s’était emparée de son âme, une fièvre de jalousie et de curiosité qui l’entraînait comme un instinct. Sa volonté ressemblait à de l’involontaire. Ce n’était plus la jeune fille de tout à l’heure qu’Allan avait trouvée défaite d’insomnie et de larmes, et qui s’était roulée convulsivement à ses pieds. C’était une femme blessée dans l’âme, et qui marchait au devant de la destinée avec la peur et la hâte que cette destinée inspire toujours. Sa respiration était courte, presque imperceptible. Son sein ne remuait pas plus que si sa vie avait été suspendue. Ses mouvements seuls avaient une rapidité extraordinaire.

Quand elle demanda sa mère à une des filles de chambre qui se trouvait alors dans l’appartement de madame de Scudemor, son accent avait la brièveté de la sécheresse des malheureux poussés à bout, et qui veulent en finir avec le doute qui les tourmente. La fille qui était là répondit que madame de Scudemor venait d’entrer dans