Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/366

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que Camille pressait sur le sien ne l’avertissaient pas !

Enfin, quand le jour vint à poindre, Camille s’endormit de lassitude. Le sommeil est pour les heureux comme pour les justes. Allan la regarda, aux premiers rayons de l’aurore, qui fermait les yeux plus pesamment et qui, par degrés, perdait connaissance. Spectacle délicieux quand on aime ! Mais il ne jouit pas de cette contemplation idolâtre. Il épiait le moment où il pourrait, sans la réveiller, se dégager des bras qui l’entouraient. Il les dénoua doucement, ces bras si forts pour le retenir et auxquels la pression du corps qui avait pesé dessus avait fait contracter, en plusieurs endroits, des rougeurs ardentes. Il quitta furtivement ce lit comme s’il n’avait pas été le sien, s’habilla à la hâte et vint s’asseoir dans une des bergères de la cheminée. Il prit un livre pour se sortir de lui-même, — mais il n’en comprit pas un mot et il resta plongé dans son accablement.

Le jour était haut quand Camille s’éveilla. Avant d’ouvrir les yeux elle fit un mouvement comme pour chercher celui qui devait reposer auprès d’elle, et, ne le trouvant pas, elle se dressa effrayée sur son séant, les yeux démesurément ouverts ; mais, avant qu’elle eut appelé Allan, elle l’aperçut, défait et pâle, au coin de la cheminée : « Pourquoi es-tu là ? » lui demanda-t-elle avec inquiétude. Il lui donna pour raison qu’il s’était trouvé un peu souffrant, et qu’il s’était levé sans vouloir troubler le sommeil dont elle jouissait depuis si peu d’heures. « Mais je suis bien, maintenant, » ajouta-t-il. — « Viens donc m’embrasser ! » lui dit Camille en retombant mollement sur le lit. Il l’embrassa, — mais d’un baiser vide comme le cœur qui le lui donnait.