Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/385

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et il baissa les rideaux du lit et des fenêtres, dont les éclairs ne traversèrent pas les tissus.

Puis il sortit, sur la pointe du pied, comme un coupable. Il avait déjà passé nuitamment, et en se cachant, dans ces longs corridors où la résonnance de ses pas le faisait, malgré lui, tressaillir. Mais l’état actuel de son âme ne lui rappelait guère ce qu’il était alors… Il ouvrit la même porte qu’il avait tant de fois ouverte, à pareille heure, et il entra chez madame de Scudemor.

Elle était étendue sur son lit, un châle noué négligemment autour de la tête qui pendait hors de sa couche, et qu’elle s’efforça de relever.

— Eh bien ? — lui dit-il en la soutenant avec effroi.

— Eh bien, — fit-elle, — voilà quatre heures que je souffre des douleurs atroces ! Ce n’est rien que de souffrir, mais je tremble pour la vie de cet enfant et il faut que vous alliez chercher un médecin.

— Un médecin ? — répondit-il avec étonnement.

— Oui, un médecin, mon ami, — continua-t-elle. — Je souffre tant que j’ai l’idée qu’on ne m’accouchera qu’avec le fer. C’est sur quoi ni vous ni moi n’avions compté, mais cela ne doit pas plus nous effrayer que si nous y étions préparés. Il y a au village voisin un médecin dont on fait l’éloge. C’est un homme simple et doux. Allez le chercher bien vite, et amenez-le moi secrètement ici.

Allan se prépara à obéir, mais il ne disait pas la pensée qui le préoccupait. Yseult la devina en le regardant.

— Eh quoi, — fit-elle, — voilà que déjà votre philosophie vous abandonne ! Que sont devenues ces mâles paroles que vous faisiez sonner si haut l’autre jour ? Allons