Page:Barbey d’Aurevilly - Ce qui ne meurt pas, 1884, 2e éd.djvu/390

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pas embrasser. Il le plongea dans la cuvette où le médecin versa l’eau tiède. Il l’essuya et l’enveloppa dans une mante de soie qu’Yseult avait, ce soir-là, oubliée au dos d’un fauteuil. Malheureux père ! obligé, pour donner le premier baiser à son enfant, d’épier si le médecin, occupé d’Yseult, ne pouvait pas l’apercevoir ?

Cependant madame de Scudemor reprit peu à peu connaissance. À peine eut-elle rouvert les yeux qu’elle dit au médecin : — L’enfant est donc mort, puisque je vis ?…

— Non, Madame, — répondit-il, — l’enfant n’est pas mort. — Et Allan, les larmes aux yeux, le déposa sur le lit de sa mère.

— Oh ! Monsieur, — reprit madame de Scudemor avec une expression de regret bien triste, — faut-il que votre habileté ait surpassé vos craintes ?

— Madame, — répliqua le médecin qui commençait à comprendre le désespoir d’un malheur consommé où il avait mis la tendresse maternelle, — ne me faites pas de reproches. J’ai fait ce que vous avez voulu.

Yseult le remercia avec le sourire d’une grâce reconnaissante et attendrie. Elle respira plus à l’aise en sentant se détacher d’elle cette agrafe de la vie qui l’avait si longtemps blessée, cette chlamyde trop étroite pour les puissantes dilatations de son âme. Elle se savait blessée à mort. — Et le bon médecin comprit peut-être que ce n’était pas la mère qui avait demandé à mourir !