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Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/100

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comtesse d’Anglure la même élégance, le même goût et à peu près le même monde que chez Mme de Gesvres ; seulement, celle qui faisait les honneurs de ce salon ne ressemblait en rien à Bérangère. Elle n’en avait ni la beauté mate et arrêtée, ni la coquetterie toujours sous les armes, ni cette parole brillante et hardie qui faisait croire, bien à tort, que la marquise était méchante, à tous les poltrons qui ont peur des esprits, mais qui donnait aux cerveaux de ceux qui en ont l’excitation fécondante sans laquelle on ne saurait causer avec plaisir et avec entrain. Non, Mme d’Anglure n’avait rien de tout cela. Mais pour ceux qui prosternent tout devant l’inexprimable magie de la jeunesse, le changement consolait de la perte, et l’on pouvait sans ingratitude stupide se dispenser d’avoir des regrets.

Que l’on se figure, en effet, tout ce que les peintres ont jamais inventé de plus printanier et de plus suave pour donner une idée de la jeunesse, et l’on n’aura qu’une faible image de ce qu’était Caroline d’Anglure quand elle arriva à Paris. Toutes les femmes de seize ans ont l’air jeune ; mais ce qui attirait si vivement en elle n’était point cette floraison fugitive, cet entr’ouvrement mystérieux de rose blanche qui, sous la force de la vie, déchire l’enveloppe de son bouton, et qui s’épanouit au front de toutes les virginités pubères ; c’était quelque chose de