Page:Barbey d’Aurevilly - L’Amour impossible, La Bague d’Annibal, Lemerre.djvu/105

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femmes qui lui trouvaient la peau trop blanche), cette noblesse originelle la sauvait de l’espèce de ridicule qu’il y a en France, le pays, comme l’on sait, le plus spirituel de la terre, à manquer de tout ce que le monde a, et où les femmes, surtout, se placent à une si grande hauteur que, pour deux mots à leur dire sur leur bonne grâce ou celle de leur robe, on est obligé de subir une conversation si spirituelle, si mille fleurs d’Italie, qu’une bonne migraine en est toujours le résultat.

Fut-ce le contraste, plein d’imprévu, qu’il y avait entre cette enfant que l’instinct du monde et son aristocratie naturelle empêchaient d’être une Agnès, mais qui n’avait dans sa jolie tête rien qui ressemblât à une pensée sur quoi que ce soit, et les femmes distinguées qui en ont sur tout une immensité ; fut-ce ce contraste, ou seulement l’alliciant parfum de la plus exquise jeunesse en fleur, qui lui livra et lui retint tous les hommages ? Parmi ceux qui lui furent offerts si elle voulut en agréer quelques-uns, ce ne fut point son mari qui l’en empêcha. Son mari, homme élégant, d’ailleurs, l’avait moins épousée pour elle-même que pour cimenter des relations qui existaient de fort longue date entre les Vaux-Cernay et les d’Anglure ; il fut probablement décidé aussi par la beauté de cette blanche personne qui promettait à ses enfants un sang si pur. Et comment n’eût-