thé disaient-elles qu’où l’esprit manquait, les sentiments vifs ou profonds devaient nécessairement manquer aussi. Bel axiome que M. de Maulévrier fit mentir, car il advint que cette petite poupée qui ne pensait pas, et qui, comme la statue de Memnon, ne savait dire que bonjour et bonsoir d’une voix harmonieuse, se prit à aimer M. de Maulévrier avec une intrépide naïveté. Dans ce cœur d’une virginité fabuleuse, éclata tout à coup cette fleur d’un sentiment vrai qui ne fleurit plus guères que tous les cent ans, comme l’aloès, et qui fait moins de bruit. Elle retint l’amour prêt à disparaître de ce monde ; elle abrita quelques jours encore ce bel oiseau de paradis que bien des jeunes filles passeront désormais inutilement leur vie à attendre dans ce siècle, où, en fait d’amour, le langage meurt avec l’idée, et où demain peut-être les lettres de Mlle de Lespinasse seront regardées comme l’expression apocryphe d’un sentiment antédiluvien.
M. de Maulévrier arrivait alors on ne sait d’où, après une absence de plusieurs années. On connaît maintenant le marquis Raimbaud de Maulévrier. Une singulière particularité de sa biographie de cœur, c’est que jusqu’alors il n’avait aimé que les femmes brunes. Les cheveux feuille morte de Mme d’Anglure le jetaient toujours dans des rêveries qu’il se reprochait, car il haïssait l’air rêveur. C’était, comme on